Conférence ASSUREIPSS
Thème : « Mutilation génitale féminine »
Par le Docteur Ghada HATEM-GANTZER (gynécologue)
> Une mutilation génitale féminine c'est quoi ?
C'est toute intervention sur les organes sexuels externes sans aucune justification médicale. Cet acte est une violation grave des droits humains des femmes et des petites filles. La culture, la religion, les traditions, ou le prétendu honneur ne peuvent en aucun cas justifier cet acte.
Contrairement à d'autres pays, en France, le terme le plus utilisé est « mutilation sexuelle féminine » car cette mutilation ne touche pas seulement l'anatomie mais aussi la sexualité.
Quelques chiffres :
200 millions de femmes excisées vivent dans le monde, dont 500 000 dans l'UE et 53 000 en France.
1 PETITE FILLE EST EXCISÉE TOUTES LES 4 MINUTES
Film de l'excision d'une fillette (destiné à un public adulte) : http://www.respectforchange.org/video/excision- dune-fillette/
Un peu d'anatomie :
Les grandes et les petites lèvres (aussi appelées les nymphes) protègent le clitoris et l'orifice du vagin. Le clitoris peut faire entre 8 et 12 cm, sa partie externe est visible, et sa partie interne est proche de la paroi vaginale.
Freud avait établit une classification entre la femme vaginale et clitoridienne qui est maintenant contestée car l'organe excité est le clitoris dans les deux cas.
Inégalité de genre ?
Il existe une inégalité entre l'homme et la femme : chez la femme, le clitoris à 1 seul rôle qui est celui du plaisir. Contrairement à chez l'homme pour qui le pénis est multifonction. Un vrai couteau suisse !
Géographie de l'excision :
L'Afrique est le continent le plus touché par l'excision. Les pays africains avec le plus fort taux d'excision sont : l'Egypte et le Mali. Cet acte s'effectue aussi en Amérique du sud, et en Asie du sud-est. En Europe, les femmes excisées sont issus des familles immigrantes, qui ensuite excisent leurs petites filles.
Mythes et légendes
L'excision existe depuis l'Antiquité, et était justifiée pour des questions d'esthétique. Beaucoup de mythes et de légendes ont été établi à partir de ces pratiques :
- Sarah et Agar : Agar est un personnage de la Genèse. Elle est la servante égyptienne de Sarah, la femme d'Abraham. Sarah étant stérile, elle donne Agar à Abraham. De cette union naîtra Ismaël.
- Les momies étaient excisées.
- L'excision permettait de protéger les africaines des viols pendant les razzias arabes.
- Les mythes bambaras dogons : la femme doit être excisée et l'homme doit être circoncit.
- Le clitoris était parfois considéré comme dangereux pour la santé de la femme qui se masturbait.
1970 : « L'excision est une tentative conséquente pour favoriser l'intégration ». « L'excision, un remède à la débauche ».
On justifie l'excision par une vision psychosexuelle, sociologique, hygiénique, esthétique, religieuse, ou autre.
Pour Tariq Ramadan, l'excision « fait partie des traditions de l'Islam ». En arabe, « purifier » se dit « exciser ».
Les différents types de Mutilations Génitales Féminines
L'Organisation Mondiale de la Santé distingue 4 formes d'excision possibles :
- ablation du clitoris
- ablation du clitoris et des petites lèvres
- grandes lèvres cousues ensemble
- allongement des petites lèvres, scarifications, ... Le clitoris coupé se rétracte et se colle sur l'os du pubis.
Conséquences des mutilations génitales féminines
Il existe plusieurs conséquences aux mutilations génitales féminines :
- conséquences immédiates : douleur intense, décès par choc douloureux, hémorragie, décès par anémie aiguë, infection, mauvaise cicatrisation, kyste, chéloïdes, ...
- conséquences à moyen terme : douleur des règles, infections urinaires à répétition, syndrome de
stress post traumatique
- conséquence à plus long terme : absence de désir et de plaisir, dyspareunie, honte
- conséquences pour l'accouchement : déchirures antérieures plus fréquentes, fistules vésico et recto-
vaginales lors d'une mauvaise prise en charge, les fistules provoquent une nécrose des tissus mettant en communication le rectum et le vagin.
Dans la législation africaine, 15 pays ont interdit officiellement l'excision mais il n'y a pas de punitions imposées. En France, les peines encourues sont la non assistance à personne en danger.
Prises de conscience et militantisme :
- Au 15e siècle, les premiers mouvements abolitionnistes partent du continent africain
- 1970 : rapport de Fran Hosken sur les mutilations génitales féminines
- Sortie du livre Ainsi soit-elle de Benoîte Groult
- Aujourd'hui, la loi protège tous les enfants vivants en France
- Risque de mutilation sexuelle et droit d'asile accordé en France
> Comment aborder le sujet avec une jeune ?
Lorsqu'un professionnel s'adresse à une jeune à propos des mutilations génitales féminines, certaines choses sont à demander, et d'autres sont à ne pas dire.
L'intrication majeure des symptômes est une réponse globale à l'excision, au viol, à la violence, au mariage forcé, à la honte d'être différente, à la douleur, à l'absence de désir, à l'absence de plaisir, à l'exode, aux crimes de guerre, ...
Les motifs les plus fréquents de consultation sont :
- des douleurs liés à une mauvaise cicatrisation, à des kystes,
- une infibulation (nécessité d'une prise en charge chirurgicale évidente),
- des troubles d'ordre sexuels,
- des troubles psychologiques,
- des questions d'ordre identitaire : « Je ne suis pas une femme ».
Le parcours type d'une prise en charge d'une mutilation génitale féminine est : la détection → la prise en charge → la réparation → et le suivi. Le suivi est important pour former des femmes-relais.
Certaines complications: hématome, lâchage de suture, infections, ré-enfouissment du néoclitoris, déception du résultat, peu d'amélioration, dégradation des sensations antérieures, douleurs persistantes, ...
Paula Rakoff, Vice-Présidente en Charge de la Santé Publique à l’ACEPC
Amélie Boudry, Vice-Présidente en Charge de la Santé Publique à PéliCAEN SH